Grenade
1492 est une grande date ; après que les Rois Catholiques, Isabelle de Castille et Ferdinand d'Aragon, aient conquis Grenade, la capitale du dernier royaume musulman d'Espagne, ils commanditent à Christophe Colomb un voyage qui doit ouvrir une nouvelle route maritime vers les Indes et la Chine. Au lieu de cela, ce sera la découverte d'un nouveau continent, que Colomb s'obstinera à appeler les Indes Occidentales.
Alors que s'achèvent les sept siècles de la civilisation d'al-Andalus s'ouvrent un Nouveau-Monde et une nouvelle ère, la Renaissance
L'Alhambra, "al-qalat al-hamra", la citadelle rouge, la cité palatiale de la dynastie nasride juchée sur la colline de la Sabika, est le monument le plus visité d'Espagne. Je tiens d'ores et déjà à vous confirmer ce que vous diront vos guides touristiques : il faut ré-ser-ver vos billets deux ou trois semaines en avance, et bien plus en haute-saison. Ce serait pitié que d'aller à Grenade sans pouvoir visiter l'Alhambra. Cet ensemble immense, siège du pouvoir politique, résidence royale et forteresse militaire, déploie ses beautés singulières au milieu de jardins et de vergers : l'Alhambra est un lieu vraiment extraordinaire - d'un romantisme échevelé en dépit de l'affluence touristique... Ah ! séjourner dans son parador j'en rêve - où vous admirerez les œuvres de l'art islamique au sommet de leur raffinement.
L'Alcazaba
Longtemps, rien ne fut construit sur le site de l'Alhambra l'Albaicín portait toute la ville, habitations, palais et mosquées. L'Alcazaba, al-Qasba, la forteresse, fut le premièr édifice sur la colline de la Sabika. Elle se dresse comme une vigie au-dessus de la ville-basse et la "Vega", la plaine grenadine. En cours de fouilles, elle comprend quartiers d'habitations, casernes, puits, hammams. Elle ne fut pratiquement pas remaniée après la Reconquête.
Les jardins
En Islam, le jardin s'entend comme une transposition terrestre du Paradis. Venus du désert, les Arabes par leurs conquêtes se trouvèrent confrontés à des civilisations raffinées - égyptienne, syrienne, persane ou byzantine - beaucoup plus anciennes que la leur. Ils y puiseront les influences qui vont guider leurs goûts en matière d'architecture et de jardins, et de nouvelles techniques de construction et d'irrigation, qu'ils vont améliorer. En Andalousie, ils trouvent des ressources en eau beaucoup plus abondantes, un véritable pays de cocagne en comparaison des régions désertiques d'où ils viennent.
La tradition fait du jardin arabe un lieu dédié au repos, à la contemplation, au bien-être ; c'est une allégorie du jardin d'Eden. L'utilisation de l'eau obéit à des règles et des techniques savantes ; les ingénieurs maures étaient particulièrement habiles dans son utilisation pratique et récréative. Les fonctions de l'eau sont multiples. Elle sert bien sûr à l'arrosage des plantes, mais les bassins et les fontaines procurent une fraîcheur particulièrement recherchée, le murmure de l'eau ruisselante sonne comme une musique et l'eau calme des bassins reflète les beaux éléments des jardins et des architectures.
Les palais nasrides
Légèrement remanié par les souverains catholiques, le Mexuar était une cour et une salle d'audiences, tribunal et salle de réunion pour le gouvernement, « sura », de la ville palatiale. De là on accède d'un côté aux salons et belvédères tournés vers la ville, de l'autre on accède au merveilleux patio des Myrtes.
Au cœur des salles, des cours, des salons et des belvédères des résidences royales, le patio des Lions est l'élément architectural le plus célèbre de l'Alhambra.
La visite des palais nasrides est très organisée, elle se fait dans un créneau horaire choisi au moment de la réservation. Elle est en théorie limitée dans le temps, alors il s'agit de rester à la traîne, de s'installer par exemple à l'ombre des arbres du charmant patio de Lindaraja et d'y attendre le groupe suivant. Bref d'une manière ou d'une autre débrouillez-vous pour profiter le plus longtemps possible de l'ineffable atmosphère de ces palais pleins de charme.
Le palais de Charles-Quint
Comme dans la mosquée de Cordoue, Charles Quint avec ses gros sabots, a voulu laisser sa marque auprès des monuments emblématiques des vaincus. Dans l'Alhambra, il s'agit d'un palais massif, avec ses pesants bosselages extérieurs et, à l'intérieur, cette curieuse cour circulaire avec ses deux galeries à colonnades. On se console en se disant que souvent les vainqueurs détruisaient tout des œuvres de leurs adversaires ce qui n'est généralement pas le cas en Andalousie.
Avec le patio des Lions et les jardins du Generalife, cette cour est l'un des décors du film "La Folie des Grandeurs" le pastiche drôlatique de Ruy Blas.
Le Generalife
À l'extérieur des murailles de l'Alhambra, entouré de jardins, de vignes et de vergers, le Generalife dresse ses murs blancs sur les pentes de la colline de Sainte-Hélène. Le Generalife avait pour fonction le repos et le plaisir du souverain. Tout y est conçu pour remplir au mieux cette mission si importante. Ici encore rien de monumental, mais un art du décor et une organisation de l'espace conçus pour le plaisir des sens et la préservation de l'intimité.
Un salon, comme un belvédère, spacieux et aéré, ouvre la vue sur les jardins, l'Alhambra et la ville.
Comparée à Séville ou Cordoue, Grenade est une ville récente puisqu'il fallu attendre le Moyen-Âge pour la voir vraiment se développer. D'abord la ville s'établit pour l'essentiel sur l'Albaicín puis, après la construction de l'Alhambra, sur le Sacromonte et enfin , après 1492, le quartier du Relajeo et en bas des collines, vers confluent du Génil et du Darro, où les nouveaux maîtres construisirent la cathédrale et, à l'écart, le magnifique monastère de la Cartuja.
L'Albaicin
Un ravin creusé par le minuscule río Darro sépare les deux grands sites de Grenade. Rive gauche, la colline du palais, la colline royale ; rive droite l'Albaicín, la colline de la ville, la colline du peuple. Bâti principalement sur une pente, l'Albaicín abonde d'escaliers, de ruelles et de placettes qui en font un bien agréable labyrinthe qui, de place en place, ouvre le regard sur l'Alhambra.
Cette immense médina appelle à la flânerie, à la découverte des témoignages du passé : là une ancienne colonne encastrée entre deux compteurs électriques, ici une vaste cour de mosquée à l'arrière d'une église.
En bas de la Cuesta del Chapiz, le palais des Córdova, son patio, ses jardins, sa princesse, son miroir.
Donc il ne faut pas avoir peur de marcher et de gravir de multiples escaliers pour visiter l'Albaicín. La circulation automobile reste circonscrite à quelques rues.
A défaut d'utiliser un taxi qui ont accès à l'ensemble des rues, il faudra garer votre véhicule dans les quelques parkings proches et faire le reste du trajet à pied.
Cette contrainte ne pèse rien comparée au plaisir de résider dans ce quartier calme, plein de charmes et de trésors cachés.
En bas de la colline, la carrera del Darro permet de découvrir les édifices, religieux et civils, jusqu'à l'agréable esplanade du paseo de los Tristes, qui ménage de magnifiques vues sur l'Alhambra.
Du Paseo de los Tristes, la cuesta del Chapiz bordée de belles maisons, monte droit et très raide dans l'Albaicín. Une longue promenade mènera à des églises et des palais, quelques-uns des plus beaux endroits du quartier; On oubliera pas de monter jusqu'au mirador de San Nicolas et sa vue panoramique sur la colline de la Sabika où, au milieu d'une abondante végétation, ressortent les murs ocres de l'Alhambra et les murs blancs du Generalife, la sierra Nevada dressant son profil en arrière-plan.
La ville ibère puis la ville musulmane se sont établies sur la colline de l'Albaicín qui fut le centre politique et religieux de Grenade. Le centre du pouvoir transféré dans l'Alhambra, elle devint un quartier largement populaire, parfois de mauvaise réputation. L'Albaicín, quartier historique reste un quartier vivant et qui compte le rester en dépit de la réhabilitation qui fait craindre à ses habitants expulsions, gentrification et muséification.
Le palais de Daralhorra est un must de la visite de l'Albaicín. Situé en haut de la colline, ce palais de style nasride, à l'atmosphère sereine, ouvre sur l' Albaicín et ses toits, ses jardins, ses églises et ses « carmenes ».
Aïcha, la mère de Boabdil le dernier roi de Grenade, en désaccord avec son fils, s'y était installée, loin de l'Alhambra.
Pauvre Boabdil, qui en réalité s'appellait Abû `Abd Allâh az-Zughbî Mohammed ben Abî al-Hasan `Alî, certes un peu long, mais de là à le raccourcir de cette manière…
Donc notre Abu Abdallah, ou « El Rey Chico », ou Boabdil - un vrai nom de loser donc - n'avait pas très bonne réputation, et il y avait des raisons objectives à ça, sa biographie en témoigne.
Grenade tombe comme un fruit mûr le 2 janvier 1492. Toute la famille part en exil, à l'exception de la fille du roi qui finit dans le lit du vainqueur. La tradition nous dit que, sur la route de l'exil, le roi vaincu sanglotant sur la perte de Grenade se vit bâcher par sa mère : « Tu pleures comme une femme ce que tu n'as pas su défendre comme un homme ».
En remontant cette fameuse cuesta del Chapiz, vous trouverez sur la droite le "camino del Sacromonte" qui mène sur une colline blanche, aride et solaire : c'est le quartier gitan de Grenade, un des hauts-lieux du flamenco. On se retrouve au milieu de ces maisons blanches et bleues, tout est très calme en ces journées brûlantes d'août. Les habitants, raisonnables, restent à l'abri de leur habitat en partie troglodytique. Les nuits sont aussi « calientes » et longues, passées à écouter et à regarder les musiciens et les danseurs de ces nombreuses « cuevas », les cabarets locaux dont la salle, où se produisent les artistes de flamenco et de zambra, est creusée dans la roche.
Je n'y connais rien, ou presque, en flamenco et ne saurais vous conseiller d'adresse. Ces « cuevas » ont la réputation d'être à destination des touristes, mais cela n'exclut pas que les spectacles soient de bonne qualité. quant au 'duende" il ne se commande pas (même avec un supplément) mais, s'il survient, vous le reconnaîtrez.
En tout cas, le quartier ne manque pas d'un charme un peu délabré et, avant de le quitter, nous avons pu faire une halte salutaire dans un café-épicerie bien sympathique à l'image du Sacromonte, sans opulence, mais dont la terrasse offrait une vue originale, un magnifique trois-quarts arrière, sur l'Alhambra.
La Cartuja
Comme souvent dans l'art baroque, les contrastes sont particulièrement appuyés entre les différents éléments architecturaux. Ici, les salles du monastère, chapelle et réfectoire, affichent une belle austérité avec leur murs blancs et leurs lignes sobres tandis, qu'après la transition du cloître, l'église dévoile un décor délirant, plein de détails, de volutes, de couleurs, de formes, de colonnes, un décor quasi idolâtre dont le paroxysme est atteint dans la sacristie.
A voir aussi : La cathédrale et la chapelle royale, le monastère de San Jerónimo, les églises de l'Albaicín notamment la collégiale del Salvador. Enfin, même si je ne la connais pas, la maison natale de Federico García Lorca, à Fuente Vaqueros près de Grenade, comme un hommage au poète et dramaturge assassiné par les Franquistes en 1936.