Séville
Vieille cité qui compte au XVIe siècle plus de deux mille ans d'une histoire mouvementée, Séville devient, après l'ouverture des routes commerciales avec les colonies des Indes Occidentales, une ville-monde, l'AlphaCity de son temps.
L'iglesia del Salvador a été construite sur la première grande mosquée de Séville. Comme souvent, la cour aux ablutions a été conservée.
"Tu n'es pas une ville mais un univers" lui disait sur le mode du dithyrambe le poète Fernando de Herrera.
Peuplée de plus de 100 000 habitants, dotée d'un espace urbain foisonnant de monuments et entourée de campagnes riches et fertiles, Séville apparaît au XVIe siècle comme l'un des centres les plus importants de l'Occident et, sûrement, le plus attractif. En effet, peuplée de plus de 100 000 habitants, dotée d'un espace urbain foisonnant de monuments et entourée de campagnes riches et fertiles, Séville apparaît au XVIe siècle comme l'un des centres les plus importants de l'Occident et, sûrement, le plus attractif. Cette ville-monde est aussi une sorte de ville frontière où tout semble possible depuis ce 31 mars 1493 quand, remontant le fleuve, la caravelle de Colomb revient avec quelques indiens Arawaks, de curieux oiseaux bariolés et des graines de plantes inconnues ; une cargaison décevante mais qui témoigne de sa découverte. Malgré l'absence d'un vrai port fluvial et d'un pont permanent sur le Guadalquivir, Séville devient en 1503, après la création de la Casa de la Contratación qui lui donne le monopole du commerce avec les colonies américaines, la base arrière des départs pour le Nouveau-Monde et la gueule insatiable où se déversent les richesses qui en reviennent.
Avec les richesses du Nouveau-Monde, affluent aussi de toute l'Europe marchands, artistes, artisans, prédicateurs, picaros, aigrefins, cadets déclassés, marins, aventuriers et, pour distraire tout ce beau monde, des saltimbanques et des prostituées. De Babylone Séville possède la richesse et l'inépuisable énergie ; de la mythique Babel elle parle et abrite la multiplicité des langues et des nations. Cet âge d'or, ici le terme n'est pas galvaudé, dura deux cents ans avant une lente et magnifique décadence.
Et aujourd'hui me direz-vous, impatients que vous êtes ?
Et bien, Séville arrache grave.
Le patrimoine reste là, je vous en ferai peut-être la liste, et la ville grouille d'activité, avec entre autres et au quotidien « le paseo » et le « tapeo » qui vous emmèneront physiquement de Santa Cruz à l'Alameda de Hercules et, pour les plus coriaces, de la « velada » à la « madrugada ». Bref une nuit sans fin, si tout se passe bien.
Car, comme dirait Pança, le Sévillan à le sang chaud (désolé je n'ai pas pu m'en empêcher) et, pour les plus jeunes ou les plus endurcis, la cérémonie du « botellón » (où se consomment alcool et cannabis) reste une option, aussi attirante que dangereuse, qui peut tourner en une sorte de corrida jouée entre soi-même et les mini-minotaures défoncés des rues de Séville.
Après la reconquête de la ville par les Chrétiens en 1248, les communautés d'al-Andalus, chrétienne, arabe, berbère et juive coexistent pour un temps. La fusion opérée par l'art mudéjar (déformation du nom donné aux Musulmans qui vivaient dans les territoires reconquis) commence alors.
En dépit de l'antagonisme politique et religieux, les souverains chrétiens apprécient l'art de vivre des Musulmans, leurs jardins, leurs techniques et leurs styles architecturaux et décoratifs.
Le Real Alcázar, le palais royal, est l'un des plus bels exemples de cet art mudéjar spécifique à l'Espagne.
Sa visite offre un panorama de près de mille ans d'histoire de l'architecture ; le cœur du palais, d'époque médiévale et de style mudéjar, étant celui du bien nommé Pierre le Cruel.
S'il était déterminé à asseoir puis étendre son pouvoir, Pierre le Cruel était aussi un homme de goût. Il sut garder en état le patio del Yeso, le salon des Ambassadeurs et utiliser le savoir-faire des artisans mudéjars de Tolède, de Cordoue et de Séville ou maures du royaume de Grenade, son allié dans les inextricables guerres dynastiques de l'époque.
La visite peut être très rapide car les pièces et les patios sont -relativement- de petites dimensions ; alors prenez le temps de vous y attarder, d'y revenir après la visite des magnifiques jardins, de la galerie du Grotesque ou des bains de María Padilla qui ressemblent à une crypte. Bien que ce soit interdit, nous avions pique-niqué dans les jardins. Evidemment, tout était soigneusement préparé -par moi - et nous n'avions laissé aucune trace de ce méfait; mais quel bonheur de faire une pause roborative dans ce cadre princier qui nous seyait à merveille. Donc prenez votre temps, allez, venez, musardez gentiment, guettez les détails, passez dans les coins et repassez dans les recoins.
Omeyyade puis almohade, l'actuel Alcázar de Séville est royal car il sert de résidence à la famille des Bourbons d'Espagne quand elle descend à Séville. Il en est qui sont bien logés, l'Alcázar étant très bien situé, très central.
Pour la construction de son palais, Pierre le Cruel fit largement appel à des artisans musulmans ce qui explique, entre autres caractéristiques, la présence de ces épigraphies en arabe. Le grand patio des Demoiselles, maintenant entièrement restauré, montre en son centre un long bassin - un peu trop neuf - encadré par les soubassements de l'ancien palais maure. Ce patio distribue les différents salons du palais et, dans les angles, des escaliers desservent les étages.
Une fois la demi-journée terminée, sortez par le patio de Las Banderas avec sa belle vue sur la Giralda. Au fond sur la droite, un passage en chicane, l'Arco de la Judería, débouche dans la Callejón del Agua et Santa Cruz, un endroit merveilleux qu'il ne faut pas manquer.
Le quartier de Santa Cruz est l'un des plus anciens de Séville. Il s'inscrit à l'intérieur de l'ancienne enceinte fortifiée de la ville, dont l'un des murs de la "callejón del agua" constitue un vestige.
Le quartier est extrêmement fréquenté par les touristes, mais aussi par les Sévillans, qui en apprécient les bars et les restaurants. Tôt le matin, alors que le quartier n'était pas encore réveillé, que la voirie terminait son travail, que les premiers cafés commençaient à ouvrir, j'étais presque seul à me promener ; un enchantement qui dura jusqu'à la reprise de l'activité quotidienne et à l'arrivée massive des touristes deux heures plus tard.
L'hospital de la Caridad a été fondé en plein âge d'or, sous l'impulsion de Juan de Mañara, un aristocrate sévillan dont la tradition -légendaire- a fait le
modèle de Don Juan. Malgré sa notoriété, l'édifice, situé au cœur du quartier de l'Arenal la "plage" et l'ancien port de Séville, reste à l'écart des principaux flux de touristes. On peut donc le
visiter tranquillement, d'autant que l'ambiance et la fonction des lieux incitent au calme. Destinée à porter assistance aux innombrables mendiants et miséreux qui abondaient dans l'opulente
Séville du bien nommé "âge d'or", l’institution continue à accueillir les plus démunies des personnes âgées dépendantes.
Le double et vaste patio, ombragé d'un vélum et décoré d'azulejos bleus, précède la chapelle d'une beauté singulière, un chef d’œuvre du baroque sévillan et véritable profession de foi de son commanditaire. Le retable de la chapelle, qui oublie tout de la sobriété de la façade de l'édifice et du patio, déploie ses ors et ses anges autour d'un extraordinaire groupe sculpté, une mise au tombeau presque hyperréaliste. Ce magnifique ensemble sur bois, où les visages expriment une douleur profonde et retenue, est une œuvre majeure de Pedro Roldán, un des maîtres de la sculpture baroque. D'autres œuvres font de cette chapelle un véritable petit musée, notamment un Christ en prières, sanguinolent et prêt au supplice, doloriste à souhait, et ces deux toiles de Valdès Leal qui exposent crûment la vanité des gloires terrestres et l'efficacité égalisatrice de la mort : pauvre ou évêque, noble ou manant, les vers nous mangerons tous...
C'est une rampe qui permet de monter dans la Giralda, ainsi le muezzin, monté sur quelque équidé, s'épargnait la fatigue des cinq ascensions quotidiennes qu'exigeait sa fonction.
L'ombre de la Giralda sur le Patio de los Naranjos
Avec la Giralda et le patio de Los Naranjos, la puerta del Perdón est le principal vestige de la mosquée almohade qui se dressait là. La porte a été modifié par l'adjonction de statues, de blasons et d'un groupe sculpté au-dessus de la porte.
La Giralda est l'ancien minaret de la grande mosquée bâtie par les Almohades. Sa décoration en "sebka" - basée sur l'agencement de briques - est typique de l'architecture de cette dynastie berbère.
Les conquérants chrétiens l'ont progressivement modifiée en y ajoutant des balustrades aux fenêtres et un étage supplémentaire pour les cloches et la lanterne du sommet, surmontée d'une statue pivotante surnommée la Giralda par les Sévillans.
La cathédrale de Séville, construite sur le site de l'ancienne grande mosquée, a la réputation d'être la plus vaste cathédrale gothique d'Europe. Lors de la Semaine sainte, les processions la traversent à la fin de leur parcours dans les rues de la ville.
Le volume de la cathédrale est impressionnant, certaines dimensions sont hors-normes, comme celles des énormes piliers qui portent les voûtes des quatre nefs. La cathédrale regorge de magnifiques ouvres d'art, des tableaux de Murillo et de Zurbaran, des sculptures et un trésor d'objets liturgiques d'une richesse inouïe, obscène quand on en pense à la misère endémique qui régna si longtemps en Espagne. Essayez de visiter la cathédrale lors des messes (prenez un air catholique et entrez) ou lors des célébrations importantes, lorsque certaines sculptures et certaines chapelles sont ouvertes ou illuminées. Vous aurez l'occasion d'admirer le retable de la Grande Chapelle, une œuvre unique au monde avec ses 20 mètres de haut et ses milliers de statues.
C'est peut-être parce qu'il sort du riche terreau andalou, mais le baroque sévillan est une forme exubérante, quasi extravagante, de ce style artistique.Ici je n'en donne que quelques exemples, mais les églises de la ville regorgent de ces trésors sculptés, dorés, peints, scintillants, que l'on peut contempler jusqu'à plus-soif, jusqu'à l'overdose.
Néanmoins, il me semble que d'aller voir ces chefs-d’œuvres reste une nécessité si l'on veut comprendre un peu, approcher au mieux, l'âme et le corps andalou, l'âme et le corps espagnol, magnifique, douloureux, sanglant, métissé et de haute et vieille culture ; cette âme et ce corps nourris par un limoneux "duende".
Au milieu du parc María Luisa, la très monumentale plaza de España est l'un des lieux les plus visités de Séville. Si je devais faire un choix resserré (pour un long week-end par exemple) je l'exclurais sans doute de la liste de mes préférences. Mais il se trouve que nous avions le temps d'y aller, de plus en calèche : la totale ! L'endroit est plutôt agréable du fait de sa situation dans les vastes jardins du parc, à proximité des édifices de l'Exposition ibérico-américaine de 1929 et il vaut le coup d’œil avec son décor haut en couleurs et foisonnant de détails.
"El Centro" forme un écheveau de ruelles, de rues et d'avenues qui s'étend de la place San Francisco au Sud à la rue Alfonso XIII au Nord. On peut le prolonger
jusqu'à l'Alameda de Hercules et à la Macarena au Nord, mais ce sera pour un prochain épisode. Il s'agit de vieux quartiers profondément remaniés à la Renaissance ; on y trouve le cœur commerçant
de Séville, son cœur baroque aussi avec une multiplicité d'églises, de couvents et deux palais ouverts à la visite : le palais Lebrija et la casa de Pilatos.
Malgré toute son activité, le quartier reste bien agréable, il y a toujours une rue tranquille, une terrasse à l'ombre, un magasin climatisé, une église et le musée des Beaux-Arts (à ne pas manquer) pour baisser en température.
Car dés le printemps il fait très chaud à Séville. Les températures maximales moyennes peuvent dépasser 28°C en mai ; les pics records de juillet et août dépassent les 45°C ; vous ferez cuire un œuf sur le capot de votre voiture, c'est original et écologique.
Je vous dis ça pour vous prévenir ; vous réaffirmer que vous apprécierez ces fameux « velums », les mêmes que les Romains tendaient au-dessus de leurs amphithéâtres et arènes ; que vous comprendrez mieux pourquoi on visite autant d'églises : il y a de quoi s'asseoir et la température baisse de 10 ou 15 degrés.
Grande rue commerçante, la rue Sierpes est un incontournable du centre puisque vous serez amenés à l'emprunter souvent : elle est pratique, rectiligne, piétonne et
couverte de "vélums" dont vous apprécierez l'ombre et les quelques degrés en moins qu'ils procurent. Autour de cet axe partent nombre de rues où abondent boutiques, bars à tapas, restaurant et
pensions. Ce réseau est le cœur battant de la ville, grouillant d'activité sauf à l'heure de la sieste où tout s'arrête ou presque. On trouve de tout dans ces rues, de l'éventail à quelques euros
à la statue en bois à 40 000, du "bellota" jusqu'aux confiseries traditionnelles de La Campana (à l'angle de Sierpes et d'Alfonso XIII), de l'affiche d'une "feria" (chez Felix Cartelismo sur
l'Avenida de la Constitución) à la carte postale, des marques de prêt à porter internationales ou espagnoles à tous les prix, LE disquaire pour le flamenco et la musique espagnole (Compas Sur,
près de la plaza del Salvador et tout ça réuni à El Corte Inglès -dont je conseille les "platos preparados" bons et pas chers-sur Alfonso XIII au débouché de la calle Tetuán.
Autres endroits à visiter : l'église del Salvador, la chapelle San José, la Magdalena, la Macarena, etc ; le musée des Beaux-Arts, gratuit, avec une église baroque qui expose Murillo, un beau cloître et des tableaux de Valdés Leal, et les deux peintres géniaux que sont Ribera et Zurbarán ; Triana le quartier "gitan" et des céramistes avec l'église Santa Ana d'où part une des processions les plus ferventes de la Semaine sainte ; la Torre del Oro, la Maestranza les arènes de Séville, le beau palais Lebrija, les Archives des Indes, le musée archéologique, San Telmo, San Leandro, théâtre Lope de Vega et allez boire un verre dans le luxueux hôtel Alfonso XIII, un édifice néo-mudéjar.
Aux environs n'oubliez la visite des ruines d'Itálica (le lieu de naissance de l'empereur Hadrien alors un peu de respect) et de son amphithéâtre très impressionnant, et le musée d'art contemporain dans la Isla de la Cartuja.
Enfin à Séville vous n'êtes pas loin de la merveilleuse ville de Carmona (45 mn de route) et de la côte atlantique avec le fameux parc de Doñana (70/90 mn de route).
Si l'utilisation de la voiture reste possible dans presque tout le centre historique de Séville, permettez-moi de vous donner le conseil de ne pas l'utiliser mais plutôt de bien la garer, par exemple dans le parking souterrain de Triana juste à côté du pont Isabel II. C'est un budget, mais c'est aussi celui de la tranquillité. Le centre historique a d'assez grandes dimensions, mais le terrain est plat et la plupart des visites se font à pied sans difficultés. De plus, le réseau de transports en commun dessert les sites les plus éloignés comme la plaza de España ou la Isla de la Cartuja.